Je me souviens d’une conversation en 1988. Un camarade de classe m’expliquant que “Springsteen c’est énorme et c’est pas que Born in the USA. Non rien à voir. C’est autre chose”. Et je me souviens de mon sourire méprisant : “Peut-être mais c’est quand même Born in the usa”. Combien de fois depuis je l’ai entendu ce ton peu convaincu. Ce mouais. Ce cause toujours. Moi qui ai saoulé tous les gens que je connais avec Springsteen. Pourquoi ce revirement?
Un jour, un ami de mon frère me donne un sac de cassettes. Oui des cassettes, vous vous rappelez ? Dans un sac en plastique de supermarché. Avec plein de cassettes : “Cadeau”, il me dit. Dedans, Willy Deville, Johnny Hiatt, quelques chanteurs country et plusieurs albums du boss. “Born in the USA” évidemment, “Born to run” et “The river”.
Je prends le sac. Je dis merci. Mais déjà à l’époque quand tu disais “Vas-y découvre, écoute, tu verras c’est bien” tout le monde s’en foutait. Je pose le sac et je retourne à mes affaires. Rien à foutre de découvrir si je connais pas. Surtout pour du Boss qui chante “Born in the USA”. Merci, ça va bien.
Le lendemain, le sac n’a pas bougé. Un coup de fil.
Ma mère passe la tête par la porte de ma chambre : “Il s’est suicidé”. Quelques heures après m’avoir donné ce sac. Putain, 25 ans plus tard rien que d’y penser… Ce mec m’a filé sont testament; dans un sac en plastique; à moi. Pourquoi à moi ? Je le connaissais à peine.
Alors j’ai repris le sac. Forcément. J’ai sorti toutes les cassettes. Il y en avait une trentaine. Et j’ai regardé. C’est ça qu’il m’a offert. Qu’il m’a légué. J’étais bien embêté. Ma culture musicale se limitait à l’époque heu à rien. Top 50 et encore. Et les albums d’Eddy Mitchell. Alors des chanteurs ricains pas tous supers connus, ça me parlait pas trop…
Je regrde un album de Willy Deville. Beurk. Non. Johnny Hiatt ? Non plus, non. Mais alors quoi, ça n’a servi à rien ? Et je pose les yeux sur cette pochette
Elle est bizarre cette pochette. Il est pas apprêté le Bruce, pas propret. Il a d’ailleurs un peu une sale gueule. Cette pochette, 20 ans plus tard me bouleverse toujours autant. J’ouvre la cassette, l’introduis dans le lecteur. La cassette n’était pas rembobinée. Bref je tombe sur …
Ce suicide a changé ma vie. C’est la première fois peut-être que j’ai écouté de la musique avec attention. Avec envie de découvrir, envie de m’approprier. Envie d’aimer surement. Depuis j’ai acheté tout ce que Springsteen a publié et je l’ai vu en concert suffisamment de fois pour qu’on parle de monomanie, mais pas assez pour être rassasié, loin de là. J’ai converti ou tenté de convertir tout mon entourage. Je l’ai suivi à Londres, à Dublin, Barcelone, Madrid et j’en passee. Je reviens de Milan et j’étais à Bercy pour ce concert d’anthologie aux plombs fondus…
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