S’il n’en reste qu’un | Nouvelle noire

S’il n’en reste qu’un, je ne serai peut-être pas celui-là mais ce ne sera surement pas cet enculé de Bastien. Bastien, un prénom de nain qui rime avec rien. Fumier de Bastien. Allez, même s’il n’en reste que 7 milliards 865 millions, Bastien ne sera pas dedans. S’il est chez lui quand j’arrive, il ne sera plus nulle part quand je partirai.

Qu’est-ce que c’est que cette ordure, ce salopard. Bastien par ci, Bastien par là.  J’aime pas bien qu’on me balade. J’aime pas bien qu’on me prenne pour un con.

– Tu connais des gens qui aiment ça toi ?

Hein ? Quoi ?

– Je te demande si tu connais des gens qui aiment être pris pour des cons.

Putain, mais j’entends des voix ou quoi ? J’entends des voix dans ma tête ?

– Tu préférerais entendre dans tes pieds ?

Merde. Qu’est-ce que c’est que cette connerie ?

– Reste poli.

Reste poli, reste poli, je fais ce que je veux, c’est ma tête quand même.

– Ta tête, ta tête, c’est vite dit.

Bon, calme-toi… respire… expire… Ah, ça va mieux.

Je me suis fait peur. Non, mais on n’a pas idée de se parler tout seul. Pas à ce point-là.

Bon, alors, qu’est-ce que je disais ? Ah oui, cet enculé de Bastien. Il va manger grave. Il va prendre cher. Quand j’en aurai fini avec lui, si sa mère le reconnait ce sera pour le déshériter. Ahahah, c’est marrant ça.

– Mouais, y-a pas de quoi se faire une entorse.

Quoi ? Merde, ça recommence ? Qui parle ?

– Moi.

Qui ça moi ?

– Moi.

Moi, moi, ça veut rien ça. Et moi alors ?

– Ben toi, c’est toi et moi, c’est moi.

Bon dieu, c’est le truc le plus con que j’ai entendu de l’année. Et encore, je suis gentil.

– C’est pas ce qu’on m’a dit.

De quoi ?

– Que t’étais gentil. C’est pas ce qu’on m’a dit.

Qui ça, on ?

– Des gens.

Des gens ? Mais comment tu parles aux gens toi ? Si t’es dans ma tête. Quels gens ?

– Je dévoile pas mes sources.

Tes sources, non mais, mais… Je serais tombé sur une voix dans ma tête qui veut pas me parler ? C’est le monde à l’envers. Allez, sérieux t’es qui ?

– Je dis pas qui je suis.

Tu, je… ok. Ecoute, je vais m’occuper de cet enculé de Bastien et je reviens pour toi. Après, je m’occupe de toi.

– Je voudrais bien voir comment tu vas t’occuper de moi.

Je, je sais pas encore, mais je vais trouver. T’inquiète pas, je vais trouver. Je trouve toujours quand il s’agit de casser des gueules.

– Ahaha, je vois bien une gueule que tu pourrais casser pour t’en prendre à moi, mais ça risque d’être tendu.

Je dirais même plus, tendu du cul.

Quoi ? Mais, c’est qui celle-là ?

– Celle-là ? Dis donc, on n’a pas fait de thérapie ensemble, tu pourrais me parler un peu mieux.

Mais merde, vous êtes combien là-dedans ?

Allo ? Y-a quelqu’un ?

Je vais me poser là. Faut que je me pose 5 minutes. Je suis en train de craquer. Je vois que ça. Je craque.

Pas grave. Ça ira mieux demain. Je rentre chez moi. Je m’occuperai de cet enculé de Bastien demain.

*

Oh, mais quelle journée. Allez, une bonne nuit de sommeil et tout sera oublié demain. Je serai au taquet pour prendre soin de l’autre nain.

– Bonne nuit.

Bonne nuit.

Ah non merde, ça va pas recommencer. Comment voulez-vous que je dorme si vous me parlez ?

– On te parlait pas, on te souhaitait bonne nuit.

Ah toi la pucelle, je t’ai pas sonné.

– Non mais quel macho. D’où tu m’insultes toi ?

D’où je veux, je suis chez moi.

– Super réplique. Ça se voit que tu écris tes propres dialogues. Je pourrais te filer un coup de main. Que ça claque un peu plus. On dirait du Lagaf là.

Ta gueule.

– Ok, ok. Si tu le prends comme ça.

Je veux dormir. Dormir.

– Tu crois qu’il dort ?

M’étonnerait, énervé comme il avait l’air.

Ecoutez, j’ai 49 ans, 49 ans. J’ai jamais entendu de voix. D’où ça vient cette histoire. C’est énorme quand même.

Allo ? Vous pourriez répondre non ?

Putain, c’est bien ma veine, j’ai les deux voix les plus connes et désagréables qui soient dans la tête.

– Attends d’avoir entendu Michel.

Merde, y-en a encore ? Mais c’est Disneyland là-dedans !

Bon je vais mettre des boules quies. Comme ça, je vais pouvoir dormir tranquille.

– Ah, on nous l’avait jamais fait le coup des boules quies.

– Faut en tenir une couche.

Oh merde.

– Non mais on est dans ta tête, alors tu peux bien te bourrer les oreilles de PQ, ça changera pas grand-chose.

– Limite, ça changera rien.

– Oui voilà, limite ça changera rien.

– Laissez tomber, on s’est récupéré le plus gros trou de balle de la ville. Y-a rien à gratter avec un crétin pareil.

Michel j’imagine ?

– « Monsieur Michel » pour les loufiats de merde dans ton genre.

Ah c’est fin, c’est plaisant. Vous êtes des hôtes charmants.

– On t’avait prévenu. Michel, il est moins coulant que nous.

Bon, vous voulez quoi ?

Vous voulez quoi ? Allez, enfin, parlez-moi.

Je vais me coucher.

– Bonne nuit

Bonne nuit

– Bon débarras.

Ne pas répondre. Dormir. Heureusement que j’ai toujours eu le sommeil facile, sinon jamais j’aurais pu m’endorm…

*

Oh quel cauchemar, quelle horreur. Trois voix dans ma tête, trois fois plus de chances de devenir fou. Une bonne nuit de sommeil et on peut repartir. Première chose : m’occuper de cet enculé de Bastien. M’en vais lui régler son compte. Avant que les trois voix de merde ne reviennent.

– Oh t’as le temps, elles seront pas là avant 16h00.

Hein ? Quoi ? Mais c’est qui là encore ?

– C’est l’équipe du matin. Tu crois pas qu’on squatte 24/24 quand même ? Vu l’ambiance, ce serait des coups à devenir dingue.

Mais, mais c’est délirant ! Vous faitess pas les 3×8 quand même.

– Bah, si tu connais mieux fais-nous signe mais en attendant. De 6 heures à 14 heures, c’est moi plus Suzanne et Jacques. De 14 heures à 22 heures, cette semaine, c’est les trois que tu connais et de 22 heures à 6 heures, c’est des nouveaux, je les connais pas.

Des nouveaux, des nouveaux quoi ? Des nouveaux quoi !

– Ça, j’ai pas le droit de te dire.

C’est délirant. C’est fou. Et vous êtes là pour quoi ?

– J’ai pas le droit de te dire non plus.

Et vous partez quand ?

– Quand on aura fini.

Fini quoi ?

– J’ai pas le droit…

Ouais, ça va, ta gueule, j’ai compris ! Me voilà avec 9 personnes dans la tête. C’est un truc de fou.

– T’as le sens de la formule parce que c’est exactement ça, ahahaha.

Ta gueule. Neuf personnes qui me chambrent en permanence, ça commence à me faire des bonnes journées. Merde !

– J’en ai autant à ton service tu sais.

Oui enfin, c’est ma tête quand même, non ?

– Peut-être mais si tu crois que ça me plait d’être bloqué avec une espèce de schizo.

Schizo, schizo, toi-même. Si t’étais pas là, techniquement, je serais pas schizo. Personne t’oblige à être là.

– Mouais.

Faut que j’arrête de me parler, ça va mal finir. Neuf personnes, c’est trop. C’est presque une foule et quand on sait comment se comportent les foules, suffit que l’un de nous décide d’un truc et hop, mouvement de foule.

– Techniquement nous ne sommes que 3. En ce moment.

Et moi, je m’appelle la torche ?

– Ah oui, avec toi ça fait quatre. Mais toi, c’est pas pareil.

Trop aimable. Trop aimable. Comment je vais me sortir de là ? Faut que j’aille voir un spécialiste. Un spécialiste de la schizophrénie. Où je trouve ça moi ?

On verra plus tard, d’abord, je m’occupe de Bastien. Après tout, si je peux plaider la folie et le prouver, j’évite la prison ahahah.

– Ça me parait pas le plan du siècle, quand même.

Mais ton avis, je m’en fous.

– Peut-être, mais ça reste pas le plan le plus solide que j’ai vu, c’est tout ce que je dis. Remate-toi « Vol au-dessus d’un nid de coucou ».

J’ai des voix cinéphiles dans la tête. Peut-être que si je règle son compte à Bastien, les voix disparaitront.

– Ah… je pencherais plutôt pour l’inverse.

Quoi l’inverse ?

– L’inverse, le contraire quoi.

L’inverse ? Si je ne règle pas son compte à ce bon à rien de Bastien, les voix disparaitront ?

– Plutôt oui.

C’est pour ça que vous êtes là ? Neuf pour m’empêcher de dessouder Bastien ?

– Hum, on est plus que 9 en fait.

C’est con que je puisse pas vous faire payer le logement, je deviendrai vite riche. Vous êtes combien ?

– Je crois que j’en ai trop dit.

Bon, je m’en fous, je peux pas ne pas m’occuper de Bastien. C’est le stress qui vous fait parler, dès que je l’aurai buté, je serai détendu, et vous disparaitrez.

– Je…

Ta gueule !

Allez en voiture.

Tout seul pour m’occuper de Bastien, c’est pas idéal. Faudrait être deux.

– Passe prendre ton frangin.

Tiens, je vais passer prendre mon frangin. Il pourra m’aider à le maitriser. Il tiendra Bastien pendant que je lui collerai des tartes dans la gueule. Et quand j’aurais fini, il m’aidera à…

– A quoi ?

Ta gueule !

Ne pas penser.

Ne pas penser.

Ne pas penser…

Sonner chez mon frérot. Attendre qu’il ouvre. Enfin.

– Salut Frangin, si tu savais ce qui m’arrive.

– Calme-toi Bastien.


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