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Automne | Daniel Bourrion

Je suis très content. Automne est une série d’interviews autour de la création et de la sérendipité. A chaque fois, je demande à l’interviewé.e de proposer une ou deux personnes pour continuer la série. Et Thierry Crouzet avait mentionné Daniel Bourrion. Qui a accepté de tisser un peu de lien en répondant à son tour.

Daniel Bourrion ?

Présent

L’écriture pour vous, c’est quoi ?

Un sport de combat, une nécessité, une manière de tenter de comprendre le monde en le disant – l’écriture comme fixateur des mouvements perpétuels du dedans et du dehors.

Face Écran ?

Face Écran est mon site web et mon atelier à ciel ouvert.

Je n’ai pas d’autres manuscrits, d’autres brouillons, rien ailleurs, depuis des années : tout est là, en frontal, parce que ça prend peu de place, et avec l’idée de mettre à nu les process d’écriture et casser le mythe de l’écrivain qui pond son texte parfait d’un seul coup (par exemple, le bouton “Révisions “sur chaque entrée de texte montre le différentiel entre les versions, pour peu que je pense à faire des sauvegardes entre lesdites versions en cours d’écriture).

Le choix du site web est aussi lié au fait que je pense que la maîtrise minimum d’outils web basiques comme un CMS est essentielle à un auteur : écrire de nos jours sans être sur le web, sans connaître ça, c’est… incompréhensible à mes yeux. Pour moi, une très grande partie de la littérature d’aujourd’hui est là, sur le web, et pas ailleurs.

Enfin, mes textes sont également (sauf rares exceptions) mis en ligne directement sous licence Creative Commons BY-SA : chacun peut donc faire ce qu’il veut de ces textes à la seule condition de m’en faire crédit ; et de diffuser ce qui est fait de mes textes, sous la même licence.

De fait, Face Écran est un… geste politique multi-facettes.

Vous conseillez quoi pour vous découvrir ?

Parcourir Face Écran. Et si l’on préfère des formes plus… stables, aller sur Publie.net et commander par exemple mon “Légendes” qui est une “compilation” de divers textes et constitue, je crois, une bonne manière d’explorer les thèmes et formes que j’essaie de parcourir.

Le roman et le lecteur de roman vont disparaitre pense Philip Roth. Un avis ?

Je ne sais pas qui c’est, Philip Roth

Plus sérieusement (et sans avoir le contexte de cette pensée de Roth* – il est possible qu’il veuille dire que la forme spécifique du roman va disparaître au profil d’une forme web, par exemple, ce qui serait une erreur puisqu’on peut parfaitement imaginer un roman “full web”), c’est la chose la plus absurde que j’ai lu récemment. Dire ça, c’est méconnaître totalement ce qui se passe en ligne. Tout au contraire, je pense que le web est la garantie de la persistance et de l’extension de la littérature sous toutes ses formes, “passées” ou plutôt “anciennes” comme le roman, ou à venir, en cours d’invention. En ligne.

En fait, ce qu’affirme Roth me fait surtout penser aux propos d’un vieux grincheux qui ne comprend plus rien à la littérature.

Est-ce raisonnable, souhaitable de vouloir vivre de ses écrits ?

Souhaitable, évidemment. Le plombier vit de son travail, le boulanger aussi (enfin, on leur souhaite), donc l’écrivain devrait pouvoir vivre de ses écrits.

Raisonnable, je ne pense pas, pas de nos jours (mais je ne suis pas certain qu’un écrivain soit quelqu’un de raisonnable..). La situation actuelle ne permet plus, à mon avis, de vivre de son écriture. Et je ne vois pas vraiment ce qui pourrait changer cet état de fait dans l’immédiat, sauf bouleversements majeurs. Peut-être toutefois que des pistes existent et sont à creuser dans des réseaux serrés qui se mettraient en place entre l’auteur et son lectorat, en… comment dire, “circuits courts”, sur le modèle du bio/locavore par exemple ; et le web permet ça, avec la maîtrise de certains outils. Mais cela reste à explorer et conforter.

Par ailleurs, sans être particulièrement spécialiste de la question, les institutions devraient également soutenir des auteurs “hors-circuit”, et ce n’est pas vraiment le cas, de ce que je vois. On dirait que deux mondes existent de manière très étanche pour le moment, l’ancien monde de la littérature médiatisée et institutionnalisée, soutenue y compris financièrement par les institutions, et un “nouveau” monde en train d’essayer d’inventer, on ne sait quoi encore.

De plus en plus de personnes s’éloignent des réseaux sociaux, en disparaissant complètement ou en réduisant leur activité. Et vous ?

Je n’ai pas constaté cela, en tous cas, pas de façon massive. Peut-être que j’ai réduit un peu mon activité personnelle sur les réseaux mais c’est surtout parce que, une fois pris en main ces outils avec la frénésie des premiers jours, on devient mature et on contrôle mieux les usages que l’on en fait. Et puis ma foi, il faut parfois sortir IRL.

Les réseaux sociaux, quoi qu’il en soit, demeurent un levier incroyable pour des idées et des textes. Si je prends mon cas, il est évident que les réseaux sociaux participent à ma visibilité d’écrivain (si tant est que j’en sois un) beaucoup plus que n’importe quel autre “outil” ou structure.

Thierry Crouzet a écrit “101 raisons de ne pas voter” qu’il définit comme un acte politique. Un avis ?

Ecrire “101 raisons de ne pas voter” est forcément un acte politique. Personnellement, je ne peux pas me résoudre à ne pas voter. Mais je respecte le choix de ceux qui ne votent pas.

Comment découvrez-vous de nouveaux livres ?

Dans les bibliothèques (je suis conservateur des bibliothèques et même si je ne travaille pas en bibliothèque en ce moment, je passe très souvent dans ma boutique d’origine pour fouiner dans les nouveautés) et sur les réseaux sociaux, forcément.

Des choses comme Babelio sont assez pertinentes également, via leurs algos de suggestions, pour découvrir des choses.

Et puis évidemment, les conseils d’autres lecteurs/lectrices.

Parfois aussi, via le web, comme ça, en traînant. Au hasard.

Un livre peu connu à nous faire découvrir ?

Quand l’heure viendra“, Josef Winkler, chez Verdier. Incroyable texte.

Un.e auteur.e peu connu.e à nous faire découvrir ?

Le concept de “peu connu.e” me fait toujours sourire. Peu connu.e de qui ? Le fait d’être très connu.e veut-il dire quelque chose, du point de vue littéraire ? Je n’en suis pas certain.

Pour répondre à la question, je suggère d’aller voir ce que fait Sébastien Ménard avec AnCé t. http://diafragm.net et d’une manière générale, de fouiller dans le catalogue de Publie.net, cette maison d’édition fondée par François Bon et qui continue une route pour le moins intéressante : les auteurs à découvrir n’y manquent pas, sont pour la plupart peu connus, mais…

Une question qu’on ne vous a jamais posée ?

“Est-ce que tu vas arrêter ?”

Cette série d’interview repose sur la sérendipité. J’interviewe qui après ? Vous pouvez mettre deux ou trois personnes et une question à ajouter si vous le souhaitez

Joachim Sené : http://jsene.net
Sébastien Ménard : http://diafragm.net
Pierre Ménard : http://www.liminaire.fr

Et hop, trois noms de plus dans la liste. J’attends, sans impatience, l’interview où on me proposera quelqu’un que j’aurais déjà interviewé. Je vous encourage à découvrir le site de Daniel. C’est assez personnel et unique.

* Voici l’interview en question.

Valery

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Valery

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