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Automne | Neil Jomunsi

La semaine dernière, pour le lancement d’Automne, cette série d’interviews autour de l’écriture, du roman et de la sérendipité, j’ai eu le plaisir d’accueillir Thierry Crouzet. Qui proposait à la fin d’interviewer, entre autre, Neil Jomunsi. Et ça tombe bien car j’avais prévu d’inclure Neil dès le début de cette série.

Neil Jomunsi ?

Peut-être plus pour longtemps. C’est en tout cas le nom sous lequel j’écris en ce moment.

Tu écris quoi ?

Ce qui me passe par la tête. Ça tourne souvent autour de thèmes récurrents — le monstre en soi, l’isolement, la simplicité du cœur —, et ça peut prendre la forme de nouvelles, de romans, de podcasts, d’articles de blogs, de vidéos. J’aime cette époque car elle a considérablement élargi la palette de l’artiste. Mon dernier roman s’intitule “Kappa16“. Ça parle de robots et de shintoïsme, ou comment on place une âme dans la tête d’une machine.

Une influence ?

Plusieurs, et elles fluctuent en fonction de l’humeur et des années. J’ai eu ma période Lovecraft, ma période Michaux, ma période Foster Wallace, ma période Bradbury, et tant d’autres. Tous les auteurs et toutes les autrices que je lis m’influencent, en bien ou en mal. Je suis une véritable éponge, et ça peut être un souci quand je me lance dans un projet et que je me mets à lire quelque chose qui n’a rien à voir. Par porosité, ça peut modifier l’orientation de ce que je suis en train d’écrire.

Le projet Bradbury ?

52 nouvelles écrites en 52 semaines. J’ai pris au mot Ray Bradbury qui disait qu’il était idiot de s’épuiser sur des romans pour apprendre à écrire : mieux valait pondre une nouvelle par semaine pendant un an, ainsi on apprendrait bien mieux. D’autant qu’à la fin, on a 52 textes, par nécessairement tous bons, mais pas forcément tous mauvais non plus. Ce n’est pas rien. J’en suis venu à bout au terme d’un an d’efforts non-stop il y a deux ans maintenant (ou trois ?). C’est un des sommets que je suis le plus fier d’avoir gravi.

Editeur ou auto-édité ?

Les deux. Je suis à cheval entre deux mondes, deux modèles, et j’essaie de trouver le bon dans chacun d’entre eux. Ce n’est pas toujours simple, il y a beaucoup de concurrence, de rancœur, de suspicion entre ces deux rivages. Étant moi-même éditeur*, je ne peux que comprendre les écueils que traverse l’industrie en ce moment, et j’ai beaucoup de respect et d’affection pour ce métier difficile, pour peu qu’on le fasse bien. L’auto-édition permet aux autrices et aux auteurs de toucher plus rapidement et plus directement leur lectorat. Cela peut donner des résultats passionnants. Le projet Bradbury n’aurait jamais pu voir le jour sans internet et l’auto-édition.

Le roman et le lecteur de roman vont disparaitre pense Philip Roth. Un avis ?

Non. Je ne sais déjà pas ce que je vais manger ce soir, je ne vois pas comment je pourrais connaître l’avenir du roman. Philip Roth doit avoir une sacrée boule de cristal. Pour ma part, j’aime le roman et je vois autour de moi des tonnes de gens qui aiment le roman. Je ne vois pas pourquoi cela disparaîtrait, du moins dans un futur proche.

Est-ce raisonnable, souhaitable de vouloir vivre de ses écrits ?

Raisonnable, non : c’est très difficile aujourd’hui de vivre de ses écrits, notamment quand on fait de la fiction. On ne peut pas miser là-dessus. Souhaitable, bien sûr, ça l’est toujours : sur un malentendu, on peut en faire son métier. Il faut que le public soit au rendez-vous au bon moment, il faut avoir de la chance, rencontrer des personnes bienveillantes qui veulent vous aider, parce qu’on n’y arrive pas seul. Et il ne faut pas craindre de gagner peu. Il y a de plus en plus de postulants, donc les places sont de plus en plus chères et ce n’est pas fini. Ce n’est pas irréaliste, c’est encore possible, mais il faut savoir tempérer ses espoirs.

Pour te découvrir, tu conseilles quoi ?

J’ai beaucoup d’affection pour Kappa16, mon dernier texte. Sinon, les intégrales du Projet Bradbury en disent beaucoup plus sur moi que n’importe quelle interview.

Tu viens de quitter les réseaux sociaux. Et après ?

Je ne sais pas. Je navigue à vue, c’est une habitude. Je n’ai aucun plan. Je veux reconnecter les gens entre eux, et je ne pense pas que les réseaux sociaux soient une bonne manière de le faire. Pourtant, j’y suis longtemps resté et j’y ai beaucoup participé. Mais je ne veux plus engraisser le bruit blanc. Les réseaux sociaux nous modifient en profondeur, et je ne suis pas sûr de vouloir accepter là plus longtemps.

Un livre inconnu à nous faire découvrir ?

Rien n’est jamais vraiment inconnu, non ? Allez, j’en tente quand même un : “Dr Adder” de K.W. Jeter. Un brûlot cyberpunk trouvé en bouquinerie pour 1€, ça fait pas cher pour une grosse claque. “Nous avons toujours vécu au château” de Shirley Jackson aussi. Très proche de ce que j’aimerais écrire désormais.

Un.e auteur.e inconnu.e à nous faire découvrir ?

En plus des deux précédemment évoqués, je pourrais citer Christopher Moore, un bijou d’absurde et d’humour, et Octavia Butler.

Une question qu’on ne t’a jamais posée ?

Quand est-ce que tu arrêtes d’écrire ? (je n’ai pas la réponse)

Cette série d’interview repose sur la sérendipité. J’interviewe qui après (tu peux mettre deux ou trois personnes) ?

Pouhiou, Lizzie Crowdagger et Blaise Jourdan. Des personnes qui ont des choses à dire et que le monde ferait bien d’écouter.

Cette interview a été réalisée fin 2016, alors que Neil venait juste de quitter les réseaux sociaux, d’où la question. Depuis il y est de retour. Et en plus, il est, depuis le 19 février 2017, l’instigateur de L’ALLIANCE DES AUTEURS INDÉPENDANTS FRANCOPHONES dont nous reparlerons surement. Bref, je le remercie d’avoir pris le temps de répondre et rendez-vous la semaine prochaine pour une autre interview crépusculaire.

* Studio Walrus, que j’ai totalement oublié de mentionner dans les questions.

Valery

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Valery

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